Nadine Hagen à propos de l’entrepreneuriat des jeunes en Afrique : ‹‹ Cherchons les problèmes de société et réglons les ››
La promotrice du GRAAD (Grande Rencontre des Artisans d’Afrique et de la Diaspora), madame Nadine HAGEN, a initié une rencontre entre entrepreneurs béninois intervenants dans la transformation des produits locaux pour des séances d’échange d’expériences et de ventes. À travers cette interview exclusive, elle explique le bienfondé de cette initiative et les orientations qu’elle souhaite donner à cette dernière.
Vif d’Afrique : Vous êtes porteuse d’une initiative qui promeut la femme. Pourquoi une telle initiative ?
J’ai décidé de faire la promotion de l’entrepreneuriat depuis plus de 15 ans aujourd’hui. J’ai toujours fait la promotion de l’entrepreneuriat pour la femme parce que la femme la plupart du temps, quand elle est enceinte et quand elle accouche, il lui faut au moins trois ans pour qu’elle soit libre. Du coup l’entrepreneuriat pour la femme c’est quelque chose de très important. Parce qu’au jour d’aujourd’hui, nous ne pouvons pas aller à l’école et s’asseoir et dit qu’on attend le travail dans un service. La plupart du temps il y a un seul poste pour beaucoup de personnes qui étudient. Alors si on ne devient pas entrepreneur tout le monde mourra de faim. Il faut des entrepreneurs non seulement pour créer, mais il faut de l’entrepreneuriat pour répondre aux besoins du travail.
Quels sont les préjugés que vous voulez déconstruire grâce à cette initiative?
J’ai envie de déconstruire cette mentalité où on dit que nous sommes des affamés, nos produits n’ont pas de valeur. C’est nous qui nourrissons le monde. Nous avons de la nourriture mais notre nourriture périt parce que nos températures sont fortes. Alors résoudre ce problème passe par la transformation de nos produits. Si on transforme nos produits si on les déshydrate, on aura les produits de longues durées, qu’on pourra non seulement consommer chez nous, mais qu’on pourra aussi exporter. Du coup ce que j’essaie d’amener l’entrepreneur africain a fait, c’est qu’il a un très bon produit donc il peut le conserver, il peut le déshydrater, il peut bien l’emballer, bien l’aromatiser. Dans l’agroalimentaire il y a une panoplie de créativité. Il y a des gens qui font du jus, des mélanges, du gari avec la noix de coco, il y a plein d’innovations. Il y a toujours quelque chose qu’on a toujours considéré comme la nourriture des pauvres c’est le mil et le sorgho. Alors aujourd’hui en Europe, le mil et le sorgho sont des antis oxydants, des aliments qui sont pris par des personnes d’une classe sociale. Donc le mil et le sorgho qui est la nourriture de l’homme du nord qui est un aliment moins chère, aujourd’hui dans les magasins bios, on achète le mil et le sorgho à des prix impossibles. Ceux qui veulent éviter le surpoids, booster leurs systèmes immunitaires vont vers le sorgho parce que voilà des graines qu’on peut manger et se sentir rassasié pendant longtemps dans la journée. Et c’est aussi des graines qui ont des valeurs nutritionnelles très élevées et qui ont des omégas. Aujourd’hui nous savons bien que nous avons besoin des omégas 3, 6, 7, 9. Je vous parlerai par exemple de la noix de cajou qui est un Omega et on ne peut pas le savoir mais c’est un grand anti dépresseur. Aujourd’hui je veux découdre cette perception qui dit que nos produits ne valent rien. Il faut connaître la valeur nutritionnelle de nos produits et les valoriser. Du coup ce que j’essaie de faire aujourd’hui c’est de valoriser nos produits africains agroalimentaires, c’est de promouvoir la transformation parce que nos tomates nos piments pourrissent au marché si on peut les transformer on aura une longue vie et on va éviter de manger les produits qui sont à la fin abîmés. Parce que les gens pensent que les produits frais sont bons mais ils ont perdu la valeur nutritionnelle mais lorsqu’on les déshydrate on a finalement le produit même.
Vous parlez d’un concept nouveau qui promeut la transformation de nos produits locaux, l’innovation. Pensez-vous que les gens sont prêts à suivre le mouvement ?
Les entrepreneurs sont prêts. Il y a beaucoup d’innovations il faut simplement les découvrir, les encourager et les former, apporter un peu de financement si possible. C’est pour ça d’ailleurs que j’ouvre cette opportunité à l’Afrique et à la Diaspora. Parce qu’elle a des hommes et des femmes dans la diaspora qui ont des moyens et qui peuvent financer pas mal de choses en Afrique mais s’ils ne savent pas, s’ils ne voient pas. Vous avez vu dans cette salle aujourd’hui, on était à au moins 60 produits différents. Et des fois vous allez voir sur une table des gens qui vont même avoir beaucoup plus encore, les gens sont prêts, les gens sont dans l’innovation. N’oubliez pas que nous ne sommes plus fermés en tant que telle. Nous avons la mondialisation, nous avons la télévision, l’internet, du coup l’africain n’est plus cet homme isolé, qui est dans l’obscurité, qui est aveugle. L’africain aujourd’hui est informé de ce qui se passe dans le monde. L’africain voyage, va ailleurs. Nous avons vu cette plante hybride du café arabica robusta que Houphoué Boigny avait vu au Brésil et a déplacé. Donc ça fait très longtemps que les africains sont dans l’innovation, ils sont prêts, il faut seulement mettre une plateforme de vente. Il faut apprendre à l’africain à vendre et il faut que le produit sorte, parte dans d’autres pays et que nous puissions vendre. Les africains produisent mais ils ne vendent pas. Alors il faut vendre à l’Afrique, il faut vendre à l’Europe. Une fois qu’on fait ça le producteur local sera très heureux et pourra envoyer ses enfants à l’école et pourra lui-même vivre de son activité.
Quels pourraient être les pesanteurs socioculturelles qui constitueraient un obstacle à ce changement de mentalité que vous prônez?
Nos mentalité, nos valeurs, ces idées pré-consues que nous avons reçues du côlon où de la société en général où il fallait aller à l’école et lorsque tu deviens vendeur, entrepreneur tu es en échec scolaire c’est pour ça que tu as décidé d’aller en entrepreneuriat. Il va falloir qu’on comprenne que les grandes sociétés, les grandes nations capitalistes avancent avec le commerce. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas ce que ces personnes vendent mais c’est le commerce qui tient le monde. Nous voyons aujourd’hui avec l’avènement de la guerre en Ukraine que personne ne savait que la Russie vendait autant de choses au monde. Du coup c’est le commerce qui tient le monde. Donc il faut découdre la mentalité qui dit que quand tu es revendeur de quelque chose tu es en échec scolaire non. Et il y a beaucoup de secteurs. Quelqu’un peut décider d’aller vers la beauté, il y a plein de femmes qui ont fait des produits pour la peau. Quelqu’un d’autre peut dire je veux faire des choses pour la santé. J’ai vu ici le charbon activé, j’ai vu de l’argile, j’ai vu du Moringa, on peut décider de vendre ces produits-là. Je pense que le jeune africain a beaucoup d’options.
Qu’avez-vous envie de dire pour conclure cette entrevue ?
Martin Luther King a dit I have a Dream. Nadine HAGEN a envie de dire I have a Dreams. Nous sommes assis sur notre or, notre diamant. Il y a un livre sacré qui est la Bible qui dit que l’or et l’argent appartiennent à Dieu. Mais cette expression désigne que l’or c’est un métal et l’argent c’est un métal donc il faut le creuser. Une fois qu’on le creuse, qu’on le nettoie et qu’on le vend il n’appartient plus à Dieu il nous appartient. Mon rêve est de ne plus trouver les entrepreneurs dans les petits domaines de l’entrepreneuriat. Il faut qu’on innove. Il faut qu’on prenne nos produits et qu’on les transforment. Il faut qu’on utilise la science. Mon rêve aujourd’hui c’est de dire aux jeunes africains regardez autour de vous, cherchons les problèmes de société et réglons les. Nous savons aujourd’hui qu’il y a la Covid, que les gens ont besoin de bonne santé. Allons-y cherchons des produits africains, innovons et donnons la bonne santé c’est ça mon rêve.