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Tanguiéta : Les femmes trient les déchets pour survivre

A 500 mètres de l’hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiétaau nord-ouest du Bénin, et sur la voie de Biakou conduisant à Cobly, des femmes, habillées en blouse bleue avec des cache-nez, procèdent au tri des ordures ménagères. Une activité qui participe de l’assainissement de Tanguiétacentre et qui permet aux dames d’améliorer leurs conditions de vie.

Le travail n’est pas nouveau mais pour qui visitait Tanguiéta, l’initiative est inédite. En effet, mobilisées par l’Association communale d’hygiène et d’assainissement, puis appuyées par des partenaires Belges et Allemands, les veuves, les femmes chef de ménage et celles qui sont marginalisées doublent désormais leur revenu journaliergrâce au tri des ordures ménagères. Ainsi, de 500 FCFApar jour, voire moins pour d’autres, elles passent à 1000 FCFA.

« Je suis une veuve et mère de deux grandes filles ménagères. Pour subvenir à mes besoins, je ramassais du bois sec dans les champs pour le vendre au marché. Le jour où la vente est florissante, je gagne 500 FCFA. Sinon, mon revenu journalier tournait autour de 250 à 300 FCFA. Aujourd’hui, grâce au tri des ordures ménagères, j’ai un revenu journalier fixe de 1000 FCFA. Depuis trois mois, mon revenu mensuel est de 30 000FCFA », a confié Denise Konty.Même note de satisfaction enregistrée chez Marie Boni, mère de quatre filles et d’un garçon. Pour cette dernière, son engagement au centre de tri des ordures ménagères est un ouf de soulagement. « Grâce au projet, j’ai quitté une activité précaire, le ramassage des bois, à une occupation rassurante et mieux structurée. Ce qui me permet d’aider mon époux, sans emploi fixe, à faire face aux dépenses du ménage », confie-t-elle, le regard plein d’espoir.

Une des équipes de femmes en pleine activité au quartier Gorobani

Usine en gestation

Sur le site, explique Amadou Abdoulaye, chef quartier de Gorobani et chargé du matériel et des infrastructures au sein de l’association, les femmes travaillent en quatre groupes de cinq. Chaque groupe a son tamis où sont triés et classés par catégorie les sachets, les plastiques, les chaussures, les piles, les noyaux de mangues, les bouteilles, les tissus, les cartons, le sable et les cailloux, les os et cornes d’animaux. Chaque type de déchet, poursuit-il, est transformé ou gardé en état pour être revendu. Par exemple, les déchets plastiques sont vendus en état à 50 FCFA le kilogramme. Les os et les cornes d’animaux sont brûlés et récupérés pour être introduits dans la provende.Les bouteilles sont utilisées comme des antivols dans les constructions. Les cartons sont transformés pour être utilisés comme combustibles par les ménages. Les noyaux de mangues serviront de pépinière pour donner d’autres plants de manguier. Le sable est exploité comme du composte à revendre aux jardiniers.

Une véritable organisation à l’image des usines dont la vitalité repose sur trois piliers : la destruction et la transformation des dépotoirs sauvages de la ville en lieu d’expérimentation agricole, la répartition de 250 poubelles dans les différents quartiers de la ville et l’abonnement des ménages et boutiques au ramassage des ordures.

Défis majeurs

Le projet a pour l’instant trois mois d’âge. Ces premiers défis restent d’une part, la maîtrise du nombre de femmes à engager sur le site de tri. A l’entame, près de 80 femmes étaient mobilisées pour le tri. Mais le rendement s’est révélé inefficace. Ce nombre a été réduit et éclaté en équipe de relais de 17 personnes. Malheureusement, cette force de travail s’est vu submerger par la tâche à abattre. Présentement, est en expérimentation, le relais des équipes de 22 femmes. Il reste d’autre part à relever le défi d’abonnement de tous les ménages à Tanguiéta centre. Dans le cadre de la mise en œuvre du projet, 1400 ménages ont été recensés. Moins de 1000 constituent les abonnés. Un dernier défi est la pérennisation de l’initiative et sa duplication dans toute la commune. Ce qui permettra de faire, d’un côté, de « Tanguiéta une ville propre », comme l’indique l’enseigne du site. Et de l’autre, de maintenir le plus grand nombre de femmes marginalisées et démunies en activité.

Pour l’heure, ces femmes sont au nombre de 45 et ne viennent que de cinq quartiers de la ville de Tanguiéta. A savoir, Gorobani, Djidjrébéré, Yarka, Porka et Tchountchoumbou.